Célébrons la musique avec Landowski !

Découvrez le monument dédié à Gabriel Fauré, célèbre pianiste et compositeur français

L’année 2024 marque le centenaire de la mort de Gabriel Fauré (1845 – 1924), illustre pianiste et compositeur français de la fin du XIXème et du début du XXème siècle. Le musée Paul Landowski de Boulogne-Billancourt conserve plusieurs études en plâtre et en marbre du projet de Monument à Gabriel Fauré (1926 – 1937), ainsi que des dessins préparatoires et des photographies d’archives. À l’occasion de la Fête de la musique, partez à la découverte des liens qui unissent les Landowski et le quatrième art.

 

Une vie rythmée de rencontres déterminantes

Mélodiste incontournable de l’histoire de la musique classique française, Gabriel Fauré a pourtant parcouru un long chemin avant d’obtenir la reconnaissance de ses pairs et du public. Enfant, il étudie à l’École Niedermeyer à Paris, qui forme alors les futurs musiciens d’églises. Sur place, il montre ses talents au piano et en harmonie, bénéficiant de l’enseignement du compositeur Camille Saint-Saëns. Une carrière d’organiste d’église s’ouvre ensuite à lui, après onze années d’études, à Rennes puis dans la capitale. Saint-Saëns lui ouvre notamment les portes de l’église de la Madeleine et des salons parisiens. En parallèle, le compositeur en devenir parcourt tout Paris pour donner des leçons de piano et vivre de son art.

En 1886, Gabriel Fauré rencontre la comtesse Greffulhe, personnalité éminente du Paris de la Belle Époque, elle-même issue d’une famille de mélomanes. Elle devient très vite son principal soutien. La créativité musicale de Fauré connaît alors un tournant : l’artiste compose à cette période ses œuvres les plus célèbres, notamment Requiem (1887 – 1901) et la Pavane (qu’il dédie en 1887 à la comtesse), et jouit d’une notoriété de plus en plus importante. En 1896, il est nommé professeur de composition au Conservatoire de Paris et devient le maître de Maurice Ravel, Charles Koechlin, ou encore Georges Enesco.

Avec sa réputation désormais installée, Gabriel Fauré entame, au début du XXème siècle, un nouveau parcours marqué par des positions prestigieuses. Sa santé commence toutefois à se détériorer, et le compositeur souffre d’une surdité quasi-totale à partir de 1903. Une situation qui ne l’empêche finalement pas de continuer à créer et d’obtenir la reconnaissance, puisque Fauré est nommé directeur du Conservatoire de Paris en 1905, puis élu à l’Institut de France en 1909. Il reçoit en 1923 la grand-croix de la Légion d’honneur, alors même que cette distinction est, à cette époque, rarement attribuée aux personnalités du monde des arts. Gabriel Fauré meurt l’année suivante d’une pneumonie. Des funérailles nationales sont organisées en son honneur à l’église de la Madeleine à Paris, où il a longtemps officié en tant que maître de chapelle, puis en tant que titulaire du grand orgue. Le compositeur repose depuis lors au cimetière de Passy.

 

Monument à Gabriel Fauré : un projet inachevé

Rapidement après la mort de Gabriel Fauré, un comité se forme afin de faire ériger un monument en hommage au musicien. Présidé par Henri Rabaud, successeur de Gabriel Fauré à la direction du Conservatoire de Paris, le comité fait appel au sculpteur Paul Landowski (1875 – 1961) pour réaliser ce projet. Les archives des musées municipaux de Boulogne-Billancourt indiquent que les deux parties s’accordent finalement le 17 juin 1926 sur un monument en pierre de Chauvigny, « composé d’une stèle décorée de bas-reliefs évoquant les principales œuvres de Fauré, d’un buste du musicien adossé à la stèle avec à ses pieds un groupe en ronde-bosse composé d’une femme symbolisant La Mélodie, et au centre d’un groupe de cygnes ». La commande précise que la sculpture devra se refléter dans un miroir d’eau. Emmanuel Fauré-Fremiet, le fils de Gabriel Fauré, se montre lui aussi favorable à cette proposition, comme l’explique Paul Landowski dans son journal.

Plusieurs études destinées à composer ce monument sont conservées au Paul Landowski de Boulogne-Billancourt. Il existe toutefois à ce jour peu de documentation permettant de contextualiser les œuvres, hormis les informations contenues dans le journal de l’artiste. En 1929, la localisation de l’œuvre se précise : on envisage de placer le monument sur la terrasse du jardin des Tuileries à Paris. Cette même année, le sculpteur peaufine sa vision de l’œuvre, en témoignent ces réflexions inscrites dans son journal : « Fauré c'est la mélodie, c'est la mesure, c'est la finesse, le charme. Ainsi s'est de plus en plus imposée à moi cette vision d'une femme portée sur des cygnes, coulant sur l'eau, en chantant. Je l'ai longtemps essayée seule. Elle ne se comprenait pas. Ainsi ai-je été amené à la compléter par une autre figure à genoux, jouant d'une harpe ancienne. Et alors tout s'est arrangé. Le buste de Fauré, appuyé sur cette stèle ornée, où comme en une tapisserie sculptée seront évoqués en des bas-reliefs très plats ses mélodies, son Requiem, sera entouré de grands cygnes fabuleux, portant sur leurs ailes épanouies deux jeunes femmes, nymphes des eaux, déesses de la musique, qu'importe. Mais je sais que cela est harmonieux ».

Les sculptures de Paul Landowski font vraisemblablement autant référence à la commande émise par le comité qu’à l’œuvre musicale de Gabriel Fauré. Ainsi, Nocturne(1937) rappelle la forme musicale privilégiée par le musicien tout au long de sa carrière. Le groupe Femme aux cygnes (vers 1926) fait directement référence au « groupe en ronde-bosse composé d’une femme symbolisant La Mélodie, et au centre d’un groupe de cygnes » et confirme les ambitions de Paul Landowski pour le monument. Il semble également évoquer la mélodie Cygne sur l’eau du cycle des Mirages (1919) composé à la fin de la vie de Gabriel Fauré. Ce morceau accompagne la version chantée du poème éponyme de la Baronne Renée de Brimont (1880 – 1943). Enfin, la Joueuse de flûte (vers 1926) pourrait représenter la muse de la musique – celle-ci ayant généralement pour attribut la flûte.


Paul Landowski, Monument à Gabriel Fauré, Nocturne (1937) 
© Adagp, Paris, 2024. Musées de la ville de Boulogne-Billancourt - Photo Philippe Fuzeau.


Paul Landowski, Monument à Gabriel Fauré, Femme aux cygnes (vers 1926) 
© Adagp, Paris, 2022. Musées de la ville de Boulogne-Billancourt - Photo Philippe Fuzeau.


Paul Landowski, Monument à Gabriel Fauré, Joueuse de flûte (vers 1926) 
© Adagp, Paris, 2022. Musées de la ville de Boulogne-Billancourt - Photo Philippe Fuzeau.

Une photographie conservée dans les archives des musées municipaux de Boulogne-Billancourt donne un aperçu d’une composition souhaitée pour le monument : le document montre notamment la stèle et le buste du musicien avec à leurs pieds deux figures de femme, dont l’une tient une lyre près d’un groupe de cygnes.



Monument à Gabriel Fauré
, Anonyme (AR.LA.96.11) 
© Musées de la ville de Boulogne-Billancourt, 2016.

 Le projet semble lentement mûrir, à une période où Paul Landowski travaille à ses œuvres les plus célèbres (Le Temple de l’Homme en 1925, qui restera au stade de projet), Le Pugiliste en 1928), et reçoit de nombreuses commandes monumentales (Sainte Geneviève en 1928, Sun Yat Sen en 1930). Mais au-delà de la charge de travail du sculpteur, c’est la question du financement qui semble poser problème dans la réalisation de l’œuvre commémorative : le journal de Paul Landowski mentionne en effet dès 1929 les difficultés de Henri Rabaud, commanditaire du monument, à récolter les fonds nécessaires. Plusieurs années plus tard, en 1937, Paul Landowski reprend le projet du Monument à Gabriel Fauré dans le cadre de l'Exposition internationale des arts et des techniques appliqués à la vie moderne et l'intègre aux fontaines du Centre des métiers d'art et du mail du quai d'Orsay. L’année suivante, le comité Fauré sollicite de nouveau le sculpteur, mais le projet ne verra finalement jamais le jour. Les écrits de l’artiste laissent à penser que l’œuvre n’a pu être achevée pour des raisons principalement financières. Si l’hommage au compositeur n’est pas physiquement visible dans la capitale, rappelons qu’un monument commémoratif réalisé par André Méric a pu être érigé en 1927 dans la ville natale de Gabriel Fauré, à Pamiers, en Ariège.

 

La musique en héritage

Bien que le Monument à Gabriel Fauré n’ait pu aboutir, la musique a malgré tout continué de rythmer la vie des Landowski. À l’instar de Gabriel Fauré, deux des enfants du sculpteur se sont effectivement illustrés dans le domaine, et en particulier dans la pratique du piano. C’est le cas de Françoise Landowski-Caillet (1917 – 2007), reconnue comme une pianiste virtuose, et de Marcel Landowski (1915 – 1999), qui a simultanément assumé les fonctions de directeur du Conservatoire de Boulogne-Billancourt (1960 – 1964) et de directeur de la musique à la Comédie-Française (1961 – 1965). En 1966, Marcel Landowski sera nommé par André Malraux à la tête de la Direction de la musique, de l'art lyrique et de la danse au Ministère des Affaires Culturelles. Une carrière exemplaire au service de la musique qui confirme par ailleurs les nombreux talents de la famille Landowski dans le domaine des arts.

 

Virginie Cardoso

Cheffe du service des publics, de la programmation culturelle et du patrimoine

 

 Pour aller plus loin :

Lefrançois Michèle, Landowski, l’œuvre sculpté, 2009, Paris, Créaphis.

Dossiers d’œuvres des musées municipaux de Boulogne-Billancourt

Journal de Paul Landowski 

Biographie de Marcel Landowski, Ministère de la Culture