Un certain regard : robe du soir Sortilèges de Gustave Beer, par George Barbier

Découvrez une oeuvre choisie et commentée par un membre de l’équipe des musées municipaux.

Parole donnée à Lavinia Cattani, stagiaire au musée des Années 30

Qu’est-ce qu’il m’arrive? Je ne ressens rien, piégée dans une volupté sordide… engourdie par l’image miroitée de ce que je suis devenue. Est-ce un rêve ou suis-je vraiment tombée dans cette apathie du cœur ?

 

George BARBIER (1882-1932) Sortilèges, Robe du soir, de Beer, Gazette du Bon Ton, 1922, n°9, pl. 66.

Cette planche, à l’esthétique orientale marquée, s’inspire de l’exotisme qui a ensorcelé les années folles. L’atmosphère nocturne est dominée par l’aspect majestueux du phénix qui confère à la figure de la femme un caractère enchanteur. L’illustration personnifie de manière sublime le look à la garçonne qui marque l’époque. La silhouette mince, droite et angulaire, reflète les lignes géométriques de l’Art Déco et révèle la taille basse typique de la robe tubulaire. La gracieuse tenue de soirée éclate d’extravagance. Son motif arabisant est enrichi par une broderie de perles et de bijoux incrustés sur le tissu et sur la ceinture. La robe est souple, se rétrécissant vers le bas en une traîne élégante. Les bras nus témoignent de l'évolution de la mode vers plus d'indépendance et d'émancipation féminine. Les cheveux, coupés au carré à la garçonne, sont soulignés par un bandeau et de grandes boucles d’oreilles caractéristiques des années vingt. L’élégante est immobile, semble inquiète. Ses yeux regardent au loin, dans une forme d’apathie obscure qui se mélange à la lumière placide d'un soir de sortilèges.

Gustave Beer

Fondateur d'une maison de couture à Paris en 1886, il crée lingerie et robes élégantes. En 1905, il s’établit place Vendôme, à Paris, où il propose des vêtements de luxe qu’il destine à l’élite de la clientèle parisienne.

George Barbier

Dessinateur français de mode connu pour son style riche et sophistiqué, George Barbier contribue régulièrement à la Gazette du Bon Ton. Il s’affirme comme un illustrateur à la facture caractéristique de l’Art Déco.

La Gazette du Bon Ton

Fondée à Paris en 1912 par Lucien Vogel et Michel de Brunhoff, la revue de mode paraît jusqu'en 1925. Constituée d'illustrations particulièrement soignées et de textes d’écrivains renommés, elle réunit les meilleurs graphistes de l’époque qui transmettent le goût et la grâce innée du bon ton.

Au moment où la mode est devenue un art, il faut qu’une gazette de la mode soit elle-même un journal d’art. Telle sera la Gazette du Bon Ton.

Lucien Vogel