La vie de la cité : un ancien décor de l’escalier d’honneur de l’hôtel de ville redécouvert

À l'occasion de l'exposition "Hôtel de ville, notre histoire commune", (re)découvrez l'histoire de cet ancien décor

Si les jeunes mariés montent aujourd’hui l’escalier d’honneur de l’hôtel de ville de Boulogne-Billancourt sous le regard d’une immense toile jaune réalisée par Olivier Debré en 1988, d’autres décors l’ont précédée.

Lors de l’inauguration de l’édifice en 1934, le maire André Morizet n’a pas commandé de décor spécifique pour cet emplacement. L’heure n’est pas aux dépenses, une solution provisoire mais pratique est donc privilégiée : le prêt d’une tapisserie du XVIIᵉ siècle appartenant au Mobilier National et représentant le Triomphe de Bacchus d’après Noël Coypel.

Il faudra attendre l’après-guerre pour que le maire Alphonse Le Gallo commande un décor conçu spécialement pour l’escalier d’honneur. Intitulé La vie de la cité, il doit célébrer les arts, les industries et les sports qui ont participé à l’essor de Boulogne-Billancourt. Les archives municipales de Boulogne-Billancourt conservent de précieux documents qui attestent des différentes étapes et acteurs choisis.

Il s’agit en effet d’un projet mobilisant plusieurs artistes bien connus des Boulonnais. L’esquisse est confiée à Jeanne Loyau (1898-1992), peintre et sculptrice, épouse de Marcel Loyau qui a réalisé la Fontaine aux cygnes, aujourd'hui installée place Denfert-Rochereau. Pascal Boureille (1909-1999) se charge des reliefs : élève de Paul Landowski, il a remporté plusieurs médailles notamment l’or à l’Exposition internationale de Paris en 1937. Le sculpteur a l’avantage d’être déjà connu des Boulonnais pour avoir réalisé un bas-relief sur le mur du cimetière de l’Ouest de la ville en 1938.


Pascal Boureille, La vie de la cité, maquette préparatoire, 1946-1950 © Pascal Boureille. Musées de la ville de Boulogne-Billancourt - Thierry Ollivier

Une maquette préparatoire du décor (vers 1946-1950), aujourd’hui conservée au Musée des Années Trente, témoigne déjà de la composition finale. La partie gauche montre les sports qu’il est possible de pratiquer en ville comme le football, le tennis ou la natation. La partie droite se concentre sur les arts et les industries : on peut ainsi reconnaitre les studios de cinéma avec le cameraman, ainsi que plusieurs activités manuelles avec le fraiseur, le maçon ou le palonnier. Enfin, elle met l’accent sur l’éducation avec un relief représentant deux écolières et sur le lien entre les différentes générations avec un enfant et une personne âgée. L’ensemble est couronné en partie supérieure par le blason de la ville composé d’un navire, d’un poisson et d’une fleur de lys. En partie inférieure se trouvait une miniature représentant le couple en ronde-bosse réalisé par Jacques Gestalder (1918-2006) pour cet ambitieux décor. Le sculpteur s’installe à Boulogne-Billancourt en 1950 avec sa femme et y aménage son atelier, Villa Buzenval. Des photographies anciennes montrent un précédent état de cette maquette sans fond coloré, celui-ci ayant donc été ajouté dans un second temps.

Cette période de maturation s’allonge et ce n’est qu’en 1961 que le décor est installé dans l’escalier d’honneur. Moulé par la Maison Lambert, l’ensemble en staff pèse près de deux tonnes ! Le mur est peint d’un décor géométrique coloré par l’entreprise Devenages.

En 1988, le maire Georges Gorse souhaite un nouveau décor pour s’harmoniser avec les plafonds des salons d’honneur, peints par Georges Mathieu quelques années auparavant. Il choisit l’artiste international Olivier Debré, qui n’est autre que le neveu de Jacques Debat-Ponsan, un des deux architectes de l’hôtel de ville. Mais que faire de l’ancien décor ? Cet ensemble monumental doit dans un premier temps être découpé en vingt parties destinées à être présentées dans différents lieux de la ville à l’image des Baigneurs à la piscine . Ces reliefs de grande taille sont finalement conservés en caisse au Musée des Années Trente.

À l’occasion de l’exposition Hôtel de ville, notre histoire commune, le relief Études est ainsi présenté pour la première fois depuis son démontage. Pour cela, il a bénéficié d’une restauration complète : dépoussiérage et nettoyage, comblement des trous et fissures, renforcement du dos et création d’une base permettant de le présenter à la verticale en toute sécurité. Ce travail a été précédé de recherches minutieuses dans les archives et dans la documentation des musées pour mieux comprendre le contexte de la création de l’œuvre.

  
Pascal Boureille, Etudes, avant restauration (à gauche) / après restauration (à droite)

Ce décor monumental de l’escalier d’honneur, aujourd’hui remplacé par la toile d’Olivier Debré, est peu connu du public et des agents municipaux. L’exposition des 90 ans de l’hôtel de ville a permis de le redécouvrir et de le mettre en lumière, en regard des décors qui l’ont précédé et lui ont succédé à cet emplacement essentiel pour l’édifice et la vie des administrés.

Exposition « Hôtel de ville, notre histoire commune », du 17 décembre 2024 au 12 avril 2025.

Chloé Lendroit
Chargée des ressources documentaires