Le mémorial Les fantômes de Paul Landowski à l’UNESCO

Le 21 septembre dernier, le mémorial a été inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO aux côtés de 138 sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale

Le mémorial Les Fantômes, de Paul Landowski, à l’UNESCO


Le 21 septembre dernier, 139 sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale (Front Ouest) ont été inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Portée conjointement par la France et la Belgique, cette protection "se justifie par la valeur universelle exceptionnelle que constitue le culte des morts du premier conflit mondial et vient répondre à l’inhumanité de la guerre par la reconnaissance de l’identité individuelle des soldats", comme l’explique le ministère de la Culture dans son communiqué de presse.

Parmi ces sites figure le mémorial français Les Fantômes, situé à Oulchy-le-Château, dans l’Aisne. Réalisé par le sculpteur Paul Landowski, il est érigé à l’endroit même où, le 28 juillet 1918, les troupes allemandes se replient vers la Vesle, avancée décisive mettant fin à la seconde bataille de la Marne.

Le mémorial surplombant la plaine de Chalmont se détache du paysage avec une monumentalité qui impose le recueillement. Le visiteur rencontre d’abord une figure sculptée intitulée La France, avant de gravir quatre paliers symbolisant les années du conflit afin de se rendre au pied d’un grand groupe sculpté de 8 mètres de haut en granit : Les Fantômes. Il s’agit de sept silhouettes de soldats incarnant différentes familles de combattants engagés, de l’artilleur au paysan. Au centre, un jeune homme nu symbolise le sacrifice du jeune héros mort. Ces silhouettes fantomatiques sont inclinées vers l’arrière, comme se relevant de la terre, explique le sculpteur dans son journal conservé au musée Paul Landowski.

En contrebas, La France  incarne l’espoir d’un avenir meilleur. Le 1er décembre 1930, Landowski écrit dans son journal : "Cette fois, je crois vraiment tenir la France 1918 pour Chalmont. Elle avance toute droite sans un geste. Un vent léger dans les cheveux, et le grand manteau agrafé sur l’épaule droite. La seule arme qu’elle porte est défensive. C’est le bouclier portant les trois déesses qui font la devise de la France : Liberté, Égalité, Fraternité".


   

A g. : Inauguration du mémorial Les Fantômes en 1935 (AR.LA.109.4) © Adagp, Paris, 2022 / Musées de la ville de Boulogne-Billancourt
A dr. : Le mémorial aujourd'hui © Adagp, Paris, 2022 - Photo : Philippe Fuzeau

Après la guerre, Paul Landowski imagine de nombreux projets de sculptures mémorielles comme le montrent ses carnets et ses esquisses conservés au musée Paul Landowski. Cet ancien soldat de la section de camouflage d’Amiens tient à rendre hommage à ces héros. Il travaille ainsi sur un Tombeau du Soldat, qui devait prendre place successivement à l’Arc de Triomphe, au Mont Valérien ou dans le square des Invalides. C’est à ce moment-là que se fixe l’iconographie des Fantômes, autour d’un groupe sculptural de morts se relevant.

En 1919, l’État lui commande l’exécution du modèle en plâtre des Fantômes, aujourd’hui conservé au musée Paul-Landowski, et pour lequel il obtient la médaille d’honneur au Salon des Artistes français en 1923. Lors de la cérémonie de remise des récompenses, Jules-Alexis Coutan, président des Artistes Français, déclare : "Depuis 1918, on attendait l’œuvre qui put glorifier et éterniser avec noblesse et sans emphase, l’héroïsme des mille et mille martyrs à qui nous devons d’être restés français. Landowski nous a donné Les Fantômes, qu’il soit remercié ".

Les Fantômes © Adagp, Paris, 2022 / Musées de la ville de Boulogne-Billancourt - Photo : Philippe Fuzeau

L’État commande la version définitive en granit en 1926 et le lieu est choisi à Oulchy-le-Château. L’inauguration du mémorial en 1935, en présence du président de la République, Albert Lebrun, marque ainsi l’aboutissement de plusieurs projets non réalisés qui ont occupé l’artiste pendant plus d’une dizaine d’années.

Selon la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, cette inscription parmi les sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale (Front Ouest) sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO est "une étape majeure dans le travail de mémoire et d’histoire qui est accompli depuis plus d’un siècle sur ces territoires meurtris". Cette protection vient ainsi légitimer le souhait de Paul Landowski d’incarner et de commémorer les morts de ce conflit.

Chloé Lendroit
Chargée des ressources documentaires