Exposition des arts décoratifs de 1925 : une visite du Pavillon du Collectionneur
mardi 04 novembre 2025
100 ans après, à quoi pouvait ressembler cet édifice majeur pour l'Art déco ?
L’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes se tient à Paris du 28 avril au 8 novembre 1925. Cette manifestation accueille plus de 16 millions de visiteurs, 21 nations et 150 pavillons. Parmi eux, il en est un qui retient particulièrement l’attention : l’Hôtel du Collectionneur. Cet édifice prend place au centre de l’esplanade des Invalides et a été imaginé par un des artistes les plus renommés de l’époque : le décorateur Jacques-Émile Ruhlmann (1879-1933). Ce dernier s’est entouré de ses plus proches connaissances artistiques pour concevoir l’intérieur rêvé d’un riche collectionneur. Il a réuni ainsi plus de quarante artistes et une trentaine d’entreprises. La réalisation de l’édifice est confiée à son ami l’architecte Pierre Patout. Les façades du pavillon de forme pyramidale sont décorées de la Frise de la Danse du sculpteur Joseph Bernard, qui épouse les courbes circulaires du grand salon, et de fresques du peintre Henri Marret. À l’extérieur, côté cour, se dévoile L’Équilibre de Max Blondat, et côté jardin, Hommage à Jean Goujon d’Alfred Janniot, aujourd’hui conservé au musée Calouste-Gulbenkian à Lisbonne.

À gauche : vue extérieure du Pavillon du Collectionneur, Bâtiments et jardins, Éditions Albert Lévy, 1928 / à droite : Max Blondat, L’Équilibre, 1925. Domaine public. Musées de la ville de Boulogne-Billancourt - Photo Thierry Ollivier.
Pour le décorateur, ce projet est un pari, qu’il doit financer seul et auquel il réfléchit depuis plusieurs années. Ce collectionneur idéal, qui donne son nom à l’édifice, est un futur client et un riche commanditaire qu’il faut séduire en concevant un ensemble harmonieux. À l’intérieur, chaque pièce est conçue comme une vitrine qui promeut les différents produits que propose Ruhlmann dans son agence de décoration : mobilier, tapis, tapisserie, textile ou bien luminaires.
Imaginé comme une résidence privée, le pavillon est composé de huit pièces, avec chacune une hauteur et un volume adaptés à sa destination. En premier lieu figure le grand salon ovale, avec son plafond peint par Louis Rigal culminant à 8 mètres de hauteur. Ses trois hautes baies donnant sur le jardin et son lustre en cristal monumental en font le cœur de l’édifice qui réunit un ensemble mobilier conçu par Ruhlmann mais aussi un tableau de Jean Dupas au-dessus de la cheminée, de grandes grilles d’Edgar Brandt, des tentures en soie d’Henri Stéphany, un meuble d’appui laqué par Jean Dunand sur un motif de Jean Lambert-Rucki ou encore des sculptures d’amis artistes comme Antoine Bourdelle, Joseph Bernard ou François Pompon. Les fauteuils dits Collectionneur, inspirés du style Empire, sont garnis de tapisseries d’Aubusson d’après Émile Gaudissard. Un exemplaire est conservé au musée des Années 30, ainsi que la table Colonnette.
À gauche : Grand salon du Pavillon du Collectionneur, Ensembles mobiliers 2e série, Éditions Charles Moreau, 1925 / à droite : Jacques-Émile Ruhlmann, Fauteuil Collectionneur, 1925. Domaine public. Musées de la ville de Boulogne-Billancourt - Photo Thierry Ollivier.
Le reste des pièces s’organise autour de ce grand salon : il y a d’abord les fonctions de travail et de réception avec le bureau et la salle à manger, mais aussi des espaces plus intimes avec la chambre, le boudoir et la salle de bains.

Salle à manger du Pavillon du Collectionneur. Domaine public. Musées de la ville de Boulogne-Billancourt.
Toutes sont toutes pensées avec le même soin, comme un tout mais également de façon indépendante. Ainsi, les gammes de couleurs sont différentes et adaptées à leur fonction afin de donner une ambiance spécifique. Disposées en enfilade, à la manière des petits appartements du XVIIIᵉ siècle, Ruhlmann imagine pour le boudoir, la chambre et la salle de bains, un luxueux ensemble. Ces pièces bénéficient d’un décor raffiné et précieux à l’image du boudoir avec ses lambris or et verts, sa cheminée au trumeau sculpté et son lustre à pampilles. Les meubles sont élégants comme le secrétaire à cylindre aux pieds fuselés, et confortables, avec des fauteuils bas ou la bergère aux oreilles cassées. Un soin particulier est apporté à la préciosité des matériaux comme la loupe d’amboine utilisée pour le lit ou l’ivoire et le galuchat – un cuir de poisson –, pour la coiffeuse.

À gauche : Boudoir du Pavillon du Collectionneur, Intérieurs en couleurs France, Éditions Charles Moreau, 1926 / à droite : Jacques-Émile Ruhlmann, Secrétaire Cylindre, cyanotype, 1921. Domaine public. Musées de la ville de Boulogne-Billancourt - Photo Philippe Fuzeau.
Avec ce Pavillon du Collectionneur, le pari est tenu. L’édifice, l’un des plus appréciés et visités de l’Exposition de 1925, confirme la réputation de Jacques-Émile Ruhlmann qui est alors à son apogée. Il se fait connaitre du grand public et acquiert une notoriété internationale qui lui permet d’obtenir de nombreuses commandes par la suite, diffusant ainsi le style Art déco en France, mais aussi à l’international.
Le riche fonds de dessins, plans et croquis conservé au musée des Années 30, comparé à des photographies d’époque, permet aujourd’hui de renseigner avec précision les meubles et les décors de cet édifice majeur pour l’Art déco. Ils sont à découvrir dans une exposition-dossier « Images d’une Exposition. Un centenaire pour l’Art déco », jusqu’au 30 juin 2026.

Vue de l’exposition-dossier « Images d’une Exposition. Un centenaire pour l’Art déco », cabinet d’arts graphiques, musée des Années 30.
Chloé Lendroit
Chargée des ressources documentaires


