Les 150 ans de Paul Landowski, à Boulogne-Billancourt et dans le monde entier
jeudi 18 septembre 2025
(Re)découvrez ce sculpteur boulonnais et ses œuvres les plus célèbres à l'occasion de cet anniversaire
Cette année marque le 150e anniversaire de la naissance du sculpteur boulonnais Paul Landowski. Artiste de renom de son vivant, il est lauréat du prix de Rome en 1900, puis directeur de la villa Médicis et de l’École nationale des beaux-arts.
Il est l’auteur d’un grand nombre de commandes prestigieuses – pas moins d’une quarantaine de ses monuments ornent encore aujourd’hui les rues et bâtiments de la capitale et d'autres villes dans le monde.
Paradoxalement, ses réalisations ont bien souvent dépassé en notoriété l’artiste lui-même.
UN CHRIST CÉLÈBRE
Tel est le cas du célèbre Christ rédempteur qui domine de ses bras grands ouverts la ville de Rio de Janeiro depuis 1931. Artiste déjà renommé, Paul Landowski est approché en 1924 par l’ingénieur brésilien Heitor da Silva, pour concevoir un monument religieux sur le mont du Corcovado (le « mont bossu », en portugais). Si da Silva avait d’abord envisagé un Christ tenant une orbe dans sa main, c’est bel et bien Paul Landowski qui dessine le monument, à travers plusieurs esquisses successives, puis un modèle de 4 mètres de haut réalisé dans l’atelier de Boulogne- Billancourt, qui rejoint Rio par bateau en 1925. Ce sont ensuite les mains (3,20 mètres de large) et la tête (3,75 mètres de haut) qui sont sculptées et à leur tour envoyées au Brésil. Les autres parties du monument sont réalisées à Rio même, selon les plans de l’artiste, par da Silva et par l’ingénieur français Albert Caquot, qui conçoit une structure en béton armé pour l’ensemble. Accaparé par le travail, Paul Landowski ne peut se rendre à Rio pour l’inauguration.
L’implication de Landowski dans le projet a souvent été minimisée au Brésil, au profit de da Silva. Un colloque organisé à Boulogne- Billancourt en 2012 est venu rétablir la vérité, démontrant le rôle central de l’artiste franco-polonais dans la conception du monument, ce que les institutions brésiliennes ont reconnu. Pour le futur musée qui ouvrira prochainement dans la base de la statue, il est prévu que le visiteur soit accueilli par un buste du sculpteur, à sa juste place dans l’histoire de ce projet.
À gauche : maquette originale du Christ rédempteur © Adagp, Paris, 2025. Musées de la ville de Boulogne-Billancourt - Photo Philippe Fuzeau / à droite : Paul Landowski travaillant dans son atelier à la statue de Sainte-Geneviève (AR.LA.204.22) © Adagp, Paris, 2025. Musées de la ville de Boulogne-Billancourt.
UNE SAINTE GENEVIÈVE « DÉTOURNÉE »
La conception d’un monument s’apparente rarement à un long fleuve tranquille. Landowski en a fait l’expérience dans le projet de monument à sainte Geneviève, à Paris, qui lui échoit en 1924. La sculpture lui est commandée par le biais des frères Guidetti, deux architectes qui assurent la reconstruction du pont de la Tournelle. Le projet prévoit que l’ouvrage soit scandé par une haute pile surmontée d’une statue de sainte Geneviève. Landowski réalise une figure de presque 6 mètres pour un ensemble mesurant 20 mètres, tout en verticalité. La sainte protège un jeune garçon, tenant dans ses bras l’esquif des Parisii, symbole de la ville. Mais un désaccord apparaît rapidement autour de la question de l’orientation de la sculpture : Landowski souhaiterait qu’elle soit tournée vers le chevet de Notre-Dame, alors que le projet prévoit qu’elle regarde vers l’est, là où se trouvaient les troupes d’Attila détournées par miracle. Plusieurs tentatives de recours sont formulées par le sculpteur, en vain. La polémique prend de l’ampleur à travers des débats houleux dont rend compte le Bulletin municipal de la Ville de Paris. L’inauguration prévue le 9 juillet 1928 en présence du président Doumergue est reportée au 27 août. Landowski préfère ne pas s’y rendre, évoquant alors dans son journal une « affaire complètement ratée ». Quinze ans plus tard, l’amertume reste intacte, lorsque le sculpteur se désole de « cet affreux pilier de ma pauvre Sainte-Geneviève ».
LES FONTAINES ART DÉCO À L’ENTRÉE DE LA VILLE
L’histoire des fontaines Les Sources de la Seine, situées à la frontière entre Paris et Boulogne- Billancourt, témoigne d’un esprit plus heureux. Dans le cadre de l’Exposition universelle de 1937, une annexe au niveau de la place de la Porte-de-Saint-Cloud est aménagée, où les fontaines tiennent lieu de porte monumentale. Landowski reçoit la commande dès 1930, qui prévoit d’abord des fontaines en verre, avant que la pierre ne soit préférée. Le programme décoratif traité en méplats témoigne d’une certaine légèreté et d’un goût Art déco, de la « fantaisie la plus libre », selon les mots mêmes de l’artiste. La première fontaine est consacrée à la vie à la campagne, la seconde à la ville. Dans le registre inférieur, les médaillons d’où s’écoule l’eau représentent des scènes de la commedia dell’arte et des motifs animaliers. Le monument présente enfin l’un des seuls autoportraits de Paul Landowski dans une de ses œuvres. On l’aperçoit, marteau et burin à la main, occupé à sculpter un bloc de pierre.
À gauche : maquette Les sources de la Seine / à droite : autoportrait de Paul Landowski sur la fontaine La Vie citadine des Sources de la Seine © Adagp, Paris, 2025. Musées de la ville de Boulogne-Billancourt - Photos Philippe Fuzeau.
UNE RENOMMÉE INTERNATIONALE
Au-delà du Christ rédempteur, on ignore parfois que Landowski a fait l’objet de nombreuses commandes à l’international, signe d’une renommée qui dépassait alors très largement les frontières. La ville de Genève accueille ainsi son vaste Monument de la Réformation, conçu entre 1908 et 1917 conjointement avec le sculpteur Henri Bouchard. À Nankin, le monument à Sun Yat-sen, fondateur de la République populaire de Chine et figure tutélaire de la nation, apparaît encore aujourd’hui comme l’une des statues les plus visitées du pays. Outre- Atlantique enfin, le tombeau de Norman Prince, jeune aviateur américain tombé pendant la Première Guerre mondiale, sculpté par Landowski, s’élève dans l’enceinte de la cathédrale nationale de Washington D. C.
À gauche : monument international de la Reformation © Adagp, Paris, 2025. Musées de la ville de Boulogne-Billancourt / à droite : musée Paul Landowski © Adagp, Paris, 2025. Musées de la ville de Boulogne-Billancourt - Photo Sandra Saragoussi.
Rémi de Raphélis
Conservateur du patrimoine,
Directeur des musées municipaux et du patrimoine de Boulogne-Billancourt